C'est triste à dire, mais les Tikamis comprennent souvent mieux le fonctionnement psychique des humains que ces derniers.
Un essai du doux Tikami
“De toute façon, c’est dans sa tête !”
Voilà ce que déclarent fièrement les humains lorsqu’ils font face à des manifestations d’hypersensibilité, d’anorexie, d’eczéma, de dépression, et mille autres phénomènes dont la cause biophysique ne leur saute pas aux yeux.
Et laissez moi le clamer : c’est entièrement vrai.
En effet, chez les humains comme chez les autres êtres sensibles, TOUT se concrétise dans les neurones. Si vous lobotomisez un citoyen lambda, immédiatement, ses ennuis de santé, ses impayés de loyer, ses complexes sociaux, ses projets pour la décennie suivante, tout cela ne lui sera plus d’une grande importance. Et ce n’est pas un scoop. Le cerveau humain est de loin la culmination de ce que la Nature a su créer en matière de complexité ; il aurait été bien surprenant que la conscience ait sa source dans les dents ou les doigts de pied. Mais ce que je ne comprend pas, c’est pourquoi ce “c’est dans la tête” sonne comme le mot de la fin, comme une conclusion scientifique qui se passe de démonstration, et qui résume à elle-seule tout ce qu’il y a à savoir sur le sujet.
S’il est une chose que l’Histoire des Sciences enseigne, c’est que l’on considère bien trop facilement comme “purement psychologiques”, comme psychosomatiques, des phénomènes dont la cause est en réalité extrêmement externe.
Combien de pauvres hères, victimes d’ulcères d’estomac, se sont ainsi vus asséner par leur entourage qu’ils devaient être stressés, ou hypocondriaques ? Jusqu’à ce que des chercheurs démontrent par A+B qu’il s’agissait d’une infestation par la bactérie Helicobacter pylori. Même histoire pour les maladies du gros intestin, aux dernières nouvelles bien moins dues à des Refoulements du Surmoi qu’à de malheureuses interactions entre microbes.
Pendant des siècles, on a culpabilisé les parents d’enfants autistes, en arguant - très gratuitement - qu’une éducation trop protectrice avait empêché leurs rejetons de développer des compétences sociales. Un peu de Science plus tard, on reconnaît que ce trouble du neuro-développement a certes une origine plurifactorielle - génétique, épigénétique, environnementale - mais que l’influence parentale est y quasiment inexistante.
Peut-être, amis humains, faudrait-il cesser d’inverser causes et conséquences - comme l’anxiété d’un patient résultant justement de sa maladie incompréhensible - et de chercher des boucs-émissaires faciles pour les maux que l’on ne comprend pas encore ? Peut-être faudrait-il avoir le courage de dire, tout simplement, “je ne sais pas” ?
Pour certaines affections, les résultats expérimentaux démontrent au contraire l’absence de lien avec le reste du corps et du monde. Par exemple, couper le nerf auditif d’un malade atteint d’acouphènes ne supprime pas le sifflement qu’il perçoit.
Mais là encore, dire “c’est dans la tête” ne résout rien. C’est au contraire à ce moment que la véritable investigation débute, pour soigner ce qui reste un organe - le cerveau.
Entre psychologie et psychiatrie, entre placebo et nocebo, entre névrose et psychose, entre métastructures neuronales et dysfonctionnement synaptiques, il existe un monde de savoirs à peine effleurés ; parmi eux se trouvent les clés pour comprendre et soigner des maux qui touchent un pourcentage affolant - et grandissant - de la population. Des maux qui méritent tout autant notre compassion et notre prise en charge que les chevilles tordues et les grippes hivernales.
Savoir, par exemple, si un quidam a réellement le système nerveux sensible aux ondes électromagnétiques, ou si c’est l’anxiété qui lui abîme la santé, c’est une question intéressante pour ses thérapeutes. Mais dans un cas comme dans l’autre, il est délicat pour nous d’avoir des opinions péremptoires sur le sujet, si même les spécialistes sont en pleine recherche. Et quelles que soient les causes du mal, la seule problématique pertinente reste : comment soigner ?