Un essai du doux Tikami
Il existe un lieu commun omniprésent, parmi les bons citoyens du monde. Il proclame, afin d’éviter la tyrannie, la nécessité de séparer trois pouvoirs : législatif, exécutif et judiciaire.
J’avoue que cette thèse me laisse assez perplexe. L’exécutif est censé appliquer les lois définies par le législatif, et le judiciaire est censé sanctionner ceux qui les ont violées. S’ils se rebellent contre leur mentor législatif, refusent de tenir compte de certaines lois, ou inventent les leurs, cela ne ressemble pas à un contre-pouvoir ; davantage à un début de guerre civile, une voie périlleuse pour les libertés individuelles s’il en est. Les paralysies politiques vécues en France par le Directoire (1795-1799) ou la 2e République (1848-1852) ont, si j’en crois les historiens, mené à la perte de ces institutions.
Et que diantre signifie “séparer” ces pouvoirs ? Si le pays est gouverné par un triumvirat de consuls, chacun monopolisant une de ces trois compétences, j’ai du mal à croire que la situation sera équilibrée du point de vue du petit peuple ; je craindrais bien moins une grande assemblée s’arrogeant ces trois prérogatives, mais composée de citoyens tirés aux sorts.
Soyons clairs, ces trois aspects du pouvoir politique sont en réalité censés agir en harmonie les uns avec les autres. C’est la légitimité de chacun d’entre eux, les garde-fous constitutionnels et les processus démocratiques, qui détermineront si le peuple est protégé de leurs abus.
Cela dit, dans mon univers, nous avons aussi un Proverbe des Trois Pouvoirs.
Mais il s’agit des pouvoirs “politique, médiatique et financier”.
Ce sont en effet eux qui déterminent la destinée d’une nation, en octroyant à l’un ou l’autre de ses membres l’autorité, la célébrité ou la richesse.
C’est pour cette raison que notre sagesse ancestrale nous interdit de rassembler ces trois sources de puissances dans les mêmes mains. Et que nous ne comprenons pas, amis humains, comment vous tolérez cette prolifération d’hommes politiques autoritaires, riches à crever, et qui étalent leurs sophismes et fake news dans des journaux à leur botte et des réseaux sociaux cacophoniques. Si vos représentants politiques devaient travailler aux conditions salariales moyennes du pays, et garder en tout temps l’attitude de discrets et laborieux fonctionnaires, les candidats à ces postes seraient sans doute de bien moins exécrable qualité.